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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

samedi 8 décembre 2012

Un Dali en cache toujours un autre...

Il faut bien l’avouer. À force d’être reproduit, recopié, cité, diversifié, marketté, banalisé… Dali a fini par lasser les découvreurs d’art.  




Même ses lithographies signées mais démultipliées à l’infini ou presque ne rencontrent  que peu d’amateurs. Une consultation du site Artprice le démontre aisément. Dali serait –il dévalué ?  Le catalan aux moustaches-antennes, le chantre inoubliable de la gare de Perpignan et du chocolat Lanvin, le surréaliste modèle aurait-il perdu tout son charme ? N’en croyez rien et filez d’un trait au Centre Pompidou, à Beaubourg pour voir l’exposition Dali… Lorsqu’on a vu cette rétrospective, on ne peut plus dire : « Je n’aime pas Dali »… Car Dali, il n’y en a pas un mais cent, mais mille, fourmillant en permanence de cent-mille idées plus brillantes ou plus farfelues les unes que le autres, mais toutes créatrices de ce que l’art a de plus passionnant : la surprise, le choc, la fascination.  

vendredi 7 décembre 2012

Edward Hopper : Mais il est vivant !!





« Lever de rideau sur Edward Hopper » par Karin Müller,  éditions Guéna-Barley,  2012. 114p. 9 €



« Avez vous lu Baruch ? » demandait fébrilement Jean de La Fontaine, le fabuleux fabuliste, à tous ses amis lorsqu’il les croisait alors qu’il venait tout juste de découvrir dans l’Ancien Testament le Livre de ce prophète biblique, pour lui un génie… Aujourd’hui, la  grande question des Parisiens serait plutôt ; « Avez vous vu Hopper ? »  Depuis l’inauguration de la rétrospective Edward Hopper, le 10 octobre, dans les galeries nationales du Grand Palais, les salles consacrées au peintre américain ne désemplissent pas. Et la file  des visiteurs impatients s'étirera sans nul doute jusqu’au 28 janvier, date de sa clôture. Hopper est la coqueluche de la capitale. 

Il faut bien le reconnaître :  on n’est guère étonné par ce succès colossal. L’œuvre de ce peintre,  né le 22 juillet 1882 à Nyack dans l’État de New York,  mort le 15 mai 1967 à New York, est  une référence absolue. Elle est puissamment évocatrice d’une société aujourd’hui évanouie mais qui demeure dans notre imaginaire collectif comme le reflet de nostalgies, de mélancolies et de sentiments éternels. Comme des chansons de Damia ou d’Édith Piaf, de Barbara ou de Juliette Greco, transmutées en images mentales ou en icônes durables par un affichiste de génie.

Bien sûr, on connaît Hopper… On a vu de ses tableaux reproduits dans des journaux, sur des couvertures de livres de poche… Hopper fait partie de notre iconographie personnelle. Mais Hopper, on l’a perçu jusque là par bribes. Par flashes. Ce qui veut dire qu’en réalité, on ne le connaît pas. Et c’est là qu’intervient magistralement Karin Müller. Comme elle l’avait fait avec « Les fulgurances de Nicolas de Staël » en rendant sa parole à l’artiste, elle met dans la voix d’Edward Hopper, le récit ( posthume et assumé) de sa propre vie. C’est une autobiographie narrée à la première personne et qui sonne juste.  Ce qui était toujours encore  enfermé dans des récits extérieurs et neutralisés, factuels mais rien de plus,  devient sous la plume de Karin Müller chargé de naturel et de vie.

Amateur d’art, co-directrice d’une galerie d’art parisienne rue Guénégaud ( Galerie Gimpel & Müller ), Karin Müller a su dans un volume d’une centaine de pages restituer ce « roman d’une vie » que fut l’existence d’Edward Hopper. « Il fallait beaucoup de rigueur, de retrait et de sensibilité pour donner voix au grand silencieux de la peinture figurative américaine du XXème siècle, au peintre de l’incommunicabilité ! » écrit avec justesse et pertinence  dans la préface, le conservateur des musées de Pontoise, Christophe Duvivier.


Le récit, en effet, de la vie d’Edward Hopper, de Nyack, près de Manhattan (1882),  à New York (1967), avec quelques escapades  à Paris, en Espagne, au Mexique… permet à Karin Müller, de tracer aussi le sismogramme des mouvements du cœur et de l’âme de l’artiste.  Avec ses forces et ses faiblesses. Hopper retient les formules de son maître Robert  Henri qui disait : « L’art médiocre se borne à dire quelque chose, par exemple « voici la nuit ». Le grand art donne la sensation de la nuit. Le grand art est plus proche de la réalité, bien que l’art médiocre la copie davantage ». Il raconte sa technique : « Je travaille très lentement. Un tableau à l’huile me prend plusieurs mois ».  Sa pratique : « Je transforme le spectateur en voyeur ; je m’inspire des films du début du siècle, de leur mystère ». Hoppper évoque ses difficultés, ses succès, ses voyages, son mariage, sa guerre, et sa mort. Et tout cela se déroule sans qu’on puisse rien objecter. Bien au contraire à travers cette lecture, aisée et  sans fioritures inutiles, on conquiert l’impression d’être entré dans l’intimité d’un immense artiste, dont la renommée n’est pas près de s’éteindre.

JB

vendredi 16 novembre 2012

Roberto Battistini : Regards d'artistes...


Vous connaissez sans doute le portrait de Serge Gainsbourg affublé d’une superbe moustache, parodiant avec humour Salvador Dali.  L’auteur de ce délire gainsbourgo-dalinien, de cette icône ayant fait le tour du monde, n’est autre que le photographe Roberto Battistini.
 Cet instantané constitue l’une des mille et une images saisies par l’objectif de cet artiste intuitif et généreux.
Tout jeune encore, Roberto Battistini né à Bastia le 16 septembre 1959, consacre à la photographie  tous ses loisirs.
Il s’éprend  d’une double magie : celle de la prise de vue et du laboratoire, et s’initie dès lors à l’alchimie qu’il faut mettre en œuvre pour donner naissance à l’image.

Plus tard, à l’ Université  des Sciences sociales de Grenoble ,  il suit un premier cycle en  « Sciences et techniques de la communication ». Cette formation initiale, fortement ancrée dans la psychologie, se poursuit dans la capitale  par une licence en cinéma qu’il obtient à l’ « Université de Paris VIII » en 1980.
Après un stage dans la rédaction du « Quotidien de Paris » de Philippe Tesson, il soutient son mémoire de maîtrise sur « Le traitement de la photographie dans la presse quotidienne ». Il y a matière : nous sommes en 1981, en pleine effervescence de l’élection présidentielle qui voit François Mitterrand succéder à Valéry Giscard d’Estaing…

Roberto Battistini, effectue un double cursus au « Conservatoire libre du cinéma français »,  et entre, l’année suivante, dans la section « Photographie » de  l’« École Nationale Supérieure des Arts Décoratif » de Paris. 
Aux « Arts Déco », il se forme à la technique mixte prise de vues/développement, dite du « Zone system », élaborée par Fred Archer et le mythique Ansel Adams. 
A la même époque, il découvre le travail fabuleux de la « Farm Security Administration » américaine, dirigée par Roy Striker.

Ce dernier, chargé durant la « Grande dépression » des années 30, de montrer le travail et les conditions de vie de l’agriculture américaine, avait recruté une trentaine de photographes dont le travail précis et somptueux fait toujours référence : Richard Saunders, Walker Evans, Dorothea Lange, Russel Lee, Arthur Rothstein…
Roberto Battistini s’imprègne aussi des immenses portraitistes  que sont Richard Avedon, Irving Penn, Arnold Newman,  August Sanders, Yousuf  Karsh…
Armé de cette expérience et de sa sensibilité, il entre en 1984  à l’ « Agence Viva », fondée en 1972 par huit photographes inspirés par les idéaux de mai 68 : Martine Franck (l’épouse de Henri Cartier-Bresson), Claude Raimond-Dityvon,  François Hers, Hervé Gloagen, Alain Dagbert, Richard Kalvar, Jean Lattès, Guy Le Querrec.
En 1985 , Roberto Battistini quitte « Viva » pour devenir le photographe du magazine « Medias »  lancé en 1980 par Eudes et Blandine Delafon.


Dans son studio aménagé au sein de la rédaction, rue d’Amsterdam, il imagine en deux ans  plus de cent couvertures représentant des portraits de personnalités de l’univers des médias et de la communication. C’est dans cet atelier qu’il  crée la photographie de « Gainsbourg en Dali »,  révélée au public en 2011 lors de l’exposition : « Gainsbourg initiales LG » chez Sotheby’s Paris. 
En 1987,  il ouvre son propre studio de prise de vue et  s’engage dans  la photographie institutionnelle et publicitaire  tout en continuant à collaborer avec des  news magazines.
Il travaille ainsi :
-      dans la publicité pour:   Euro RSCG, Publicis, TBWA, Ogilvy, Australie, Mac Can Ericson…
-      dans la presse pour: Vogue Homme, Paris-Match, Le Figaro Magazine, Madame Figaro, Le Point, L’Express, Elle, Frankfurter Magazine, Business Week international, European Travel and Life, etc.                                                                                     

Son travail est récompensé par plusieurs prix : 1991, le « Grand prix des Directeurs artistiques »  avec l’agence  Australie ; en 2007, le « Grand prix de l’Affichage », le « Grand prix Stratégie » et le « Grand prix du public » pour la campagne de publicité « Canal+ »  « Chirac Pot de départ » de l’agence BETC Euro RSCG.
Roberto Battistini expose également son travail lors de grandes manifestations :
- le « Salon de la Photographie de Paris »                              (Personnalités des médias),
- le « Festival Visa pour l’Image » de Perpignan (Canal+ et les Guignols de l’Info),
- le « Printemps de la Photographie » de Cahors …
ou bien
- à la Galerie Charpentier chez Sotheby’s  Paris,
- au French Alliance Institute à New  York, (« Gainsbourg initiales LG »), etc.


En 2012, dans le cadre du « Mois de la Photo à Paris » organisé par la « Maison Européenne de la Photographie » il présente ses « Regards d’Artistes »  à la Galerie Blumann, 4 Place des Vosges à Paris.


Dans le même temps, en partenariat avec le « Centre Méditerranéen de la Photographie », il conduit, en Corse, en Afrique du Nord et sur le continent un travail de recherche qui  interroge la mémoire du territoire, des hommes et des lieux  autour des événements de la libération de l’île en octobre 1943.
A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corse, ce travail donnera lieu en 2013 à trois réalisations :
-      un beau livre
-      une exposition
-      un documentaire historique.

L'exposition de Roberto Battistini à la Galerie Blumann pendant la saison de Paris Photo a donné lieu à la publication d'un beau livre: 




Le sculpteur César. ( Photo Roberto Battistini )

L' ensemble des photographies d'artistes qui est présentée dans cet ouvrage est préfacé par Emmanuel Jaffelin: 


Trait pour trait

Le portrait oscille toujours entre l’hagiographie et l’iconoclasme. La crainte du modèle est donc justifiée puisqu’il ignore ce qui sortira de l’objectif. D’objectivité en photographie, il n’est pas question.
Le photographe fixe pour l’éternité une subjectivité qui est fondamentalement liberté !
Sartre nous rappelle à quel point le regard fige le sujet qui en est l’objet.
« Autrui, c’est d’abord la fuite permanente des choses vers un terme que je saisis
à la fois comme objet à une certaine distance de moi et qui m’échappe en tant qu’il déplie autour de lui ses propres distances ».
Le projet du photographe est par conséquent d’abolir la distance qui le sépare de son modèle afin que celui-ci, d’objet, redevienne pleinement sujet.
Cette abolition ne consiste pas seulement à briser la glace : elle suppose de la part du photographe une stratégie lui permettant d’entrer par effraction dans l’intimité du sujet pour qu’il révèle la part essentielle de sa subjectivité.
Mais la difficulté se redouble lorsque le sujet photographié est lui-même un homme
Du regard. L’artiste connaît en effet le terrible pouvoir de l’image : sa force incantatrice ou destructrice.
Pour lui, l’image n’est pas une copie du réel, mais ce qui le structure.
On comprend alors aisément que l’artiste ne se donne pas. Devant sa propre image, il dissimule une insincérité maximale. Son don est de façade : il offre à L’objectif une facette, une fossette qui est pirouette et facétie.
Qui fait l’ange fait la bête : aussi l’artiste prend il la pose pour mieux im-poser son image qui vaut être.
Tout l’art de Roberto Battistini consiste à livrer un combat qui ne dit pas son nom afin d’obliger l’artiste à baisser la garde pour livrer à l’objectif sa part d’ombre et de lumière.
« Trait pour trait, œil pour œil : la séance de portraits tout en adoptant des airs policés, révèle une lutte pour la reconnaissance de deux consciences ».
Le photographe dit implicitement à l’artiste : je suis autant artiste que toi, tandis que l’artiste pense, par sa connaissance de l’image, pouvoir esquiver chaque prise comme le ferait un boxer sur le ring, riant sous cape de voir chaque flash se heurter à un miroir.
Rien n’est plus vital que ce duel à fleurets mouchetés de ces deux artistes qui ont en partage le royaume de l’image.
Roberto Battistini nous offre ici le tribut de son combat.

 Emmanuel JAFFELIN Eloge de la Gentillesse 






mardi 13 novembre 2012

Pierre-Alain Chalier, galeriste multiple


C’est un coup de fouet pour l’œil. Sur fond rouge, deux taches du jaune le plus vif semblent esquiver deux coups de cravache d’un noir d’ébène. Cette grande calligraphie pourrait être asiatique. Elle est l’œuvre d’un artiste tunisien, Lassaâd Metoui.

Nous sommes au 8 de la rue Debelleyme, tout juste en face de l’hôtel particulier qui constitue le cadre majestueux de la galerie Karsten Greve à Paris. Ici, sur plus de 450 m2 mis en espace par l’architecte Christophe Pillet,  se développe une superbe galerie d’art ouverte voilà cinq ans. Jusqu’au 17 novembre, Pierre-Alain Chalier a confié ses murs et ses salles au travail de Lassaâd Metoui, ce calligraphe tunisien, qui parvient à marier deux univers pourtant aussi distants et étrangers que l’huile et eau.   

Il s’agit, sous l’égide du Mont Fuji, d’un « Hommage à Amélie Nothomb » : vingt cinq toiles disposées autour des pages d’un livre de l’écrivain,  étalées sur 10 mètres. Ce livre d’artiste grand format, illustré, n’est édité qu’à 15 exemplaires.

Le maitre de céans, Pierre-Alain Chalier est un très jeune galeriste. Il est né à Alès en 1978. Après ses étude à l’École du Louvre et à l’Institut supérieur des arts, des stages chez Baudoin-Lebon, à la Fiac, à Paris-Photo, il devient en 2002 – et jusqu’à la fermeture de ce lieu de vente- le directeur artistique de la Galerie Artcurial, à l’angle des Champs Élysées et de l’Avenue Montaigne.

Il ouvre dans le Marais sa propre galerie en 2007 où, en marge des expositions  de ses propres poulains ( Jean-Luc Parant, par exemple, en ce moment aussi ) , il présente des œuvres de plus de 70 artistes créées spécialement en séries limitées depuis 1975 pour la Galerie Artcurial, dont Pierre-Alain Chalier a racheté le fonds. On y trouve donc des œuvres d’Arman, Pol Bury, Chadwick, Chirico, Delaunay, Man-Ray, Pomodoro, Rotella, Niki de St Phalle, Pierre Soulages, Takis, Zao Wou-Ki… autant dire des phares de l’art du XXème siècle.
JB





Ilse Bing, la reine du Leica, (galerie Karsten Greve)


C’est une pionnière de la photographie. Elle est l’aînée de neuf ans d’une autre grande, née elle aussi en Allemagne, Gisèle Freund,  et de huit ans celle de Dora Maar, qui sera la compagne de Picasso, ou de Lee Miller. Elle est de la même génération que Germaine Krull,  ou Berenice Abbott, pour citer quelques unes de ces audacieuses de l’objectif.  

« Regards »…
Ilse Bing est née à Francfort-sur-le-Main en 1899.  Elle commence par étudier à l’Université de sa ville natale les mathématiques et la physique avant de bifurquer vers un doctorat d’histoire de l’art, puis à nouveau et définitivement, en 1928, vers la photographie.  Elle découvre cette technique et cette pratique  alors qu’elle est encore étudiante, mais déjà elle parvient à collaborer au périodique « Das Illustrierte Blatt ». Là voilà presque journaliste. Elle devient très vite une professionnelle reconnue. Et elle voit bientôt ses photos publiées par les revues les plus importantes comme « Vu », « Harper‘s Bazaar », « L’Illustration », « Le Monde illustré», Regards...

Lorsqu‘elle déménage de Francfort à Paris, en 1930, la capitale française est en plein bouillonnement culturel. La ville est le cœur du surréalisme et de toutes les avant-garde. La photographie y est considérée comme un art, y est enseignée, exposée.  Photojournaliste, Ilse Bing  innove en utilisant dès 1929 ( avant même Cartier-Bresson)  le Leica, appareil de petit format fabriqué à Weimar par l’entreprise d’optique performante, Leitz. «  Cet appareil, dit-elle, me semble être le prolongement de mon œil. Il se déplace avec moi et me permet de rendre les choses plus vivantes ». Journalisme, photos de rue prises sur le vif, photos de nuit, architecture, mode, danse, publicité…  « Ilse Bing recourt à des  perspectives audacieuses, des angles de vue nouveaux,  des lumières naturelles surprenantes, des cadrages et des géométries inusités… »  Sa pratique est remarquée par le critique et photographe parisien, l’un des fondateurs de « L’Ilustration » et de l’école de la «nouvelle objectivité »,    Emmanuel Sougez,  qui lui attribue le titre de « Reine du Leica ». En 1936, son travail figure dans la première exposition consacrée à la photographie moderne au Louvre. L’année suivante, elle se rend à New York et ses images sont montrées dans l’exposition « Photography 1839-1937 » au Musée d’Art Moderne, le Moma.

Ilse Bing qui a épousé un pianiste et expert en musicologie, Konrad Wolff, échappe à la guerre en s’installant à New York en 1941.  Vers la fin de sa vie elle se consacre à la poésie et, ayant abandonné la photographie en 1993 à la suite d’un accident d’automobile,  au dessin et aux collages. Elle meurt dans cette ville en 1998 à la veille de ses cent ans.

À l’occasion du Mois de la Photo à Paris, la Galerie Karsten Greve présente une belle exposition de photographies d’Ilse Bing. Image de l’Allemagne de l’entre deux guerres , du Paris des années trente… Du  27 octobre au 24 novembre. 5 rue Debelleyme. 75003 Paris.


Cheyco Leidmann ou l'image à l'estomac



Les bleus sont bleus ;  les rouges, vifs, impressionnants, tranchés, puissants… Parce qu’il montre la réalité dans toute sa crudité, sa cruauté, sa nudité, Cheyco Leidmann fixe d’abord les couleurs qui sont la vie même. Il en joue comme avec un pinceau,  mieux, avec un couteau. Ses images, grand format, impeccables, aiguisées, bondissent littéralement hors du cadre de l’iconographie traditionnelle. Elles aspirent le regard par la force des visions qu’elles nous imposent  et elles nous hypnotisent par la vivacité pointue des sujets qu’elles traitent.

On n’est pas ici dans un monde mièvre de la caresse oculaire,  de l’admiration sereine,  de la contemplation. On peut dire aussi qu’on est plus près de l’univers de Bosch, de Brueghel ou de Félicien Rops que de celui de Berthe Morisot… « Nous menons notre vie aux franges de la folie » dit Cheyco Leidmann.  Sa production, on en prend plein la vue. On la reçoit, franco de port, en  pleine gueule. Chacune est un choc, un coup dans le plexus. Cheyco Leidmann est le meilleur boxeur de sa catégorie. Le spécialiste de l’image « à l’estomac » pour reprendre la formule de Gracq dans les années 50 (*).


Avec Cheyco Leidmann, qui vit et travaille entre les Etats-Unis et Paris, et surtout partout, on est plutôt dans les années surgies de ces roaring seventies ou eighties, quand tous les codes de la société avaient sauté. Aux modèles gominés et « propres sur eux » de la publicité de magazines ont succédé alors dans l’œil de la caméra une extravagante cour des miracles peuplée de « drogués, de sans-abris, de criminels, de prostituées, de transsexuels…». Ce  sont « tous les acteurs d’une pièce de théâtre incroyablement acide » telle que présentée dans « Toxytt », le livre si adéquat de Cheyco Leidmann, publié voilà quelques années aux Éditions de La Martinière, avec Ypsitylla von Nazareth. « L’enfer est toujours à proximité, dans les rues, les écoles, les cinémas, les temples ; en Norvège, en Afrique du Sud, à l’Empire state building ou au Stade olympique. Toxytt City, c’est partout ».



Chacun des livres de Cheyco Leidmann complète les précédents. De même, chacune de ses expositions, de « Tantatrysk » à « Réalités », de « Syzygy » à  « OXYcoNEXI » et « Zeta Nacht »… est un pas en avant dans l’exploration patiente et scrupuleuse d’un univers mental qui lui est propre. Et qu’il nous livre. « Tout se passe dans la tête » dit-il. La vision se dédouble parfaitement. Ici, tout n’est que blessure, souillure, sang et humeurs, la mort rode au tournant… Là, à deux pages, à deux pas, « tout n’est qu’ordre et beauté luxe calme et volupté » : dans un espace poétique, un décor mirifique,  les demeures sont des villas de milliardaires et les points d’eau, des piscines de rêve. La population y est celle d’une étrange volière de perruches colorées, de mésanges siliconées, de coqs gantés de cuir…  Dans une  démesure chic et trash à la fois. Comme si l’on assistait  au déroulé d’une banderole magique qui associe en les  combinant des syllabes tronquées   des trois piliers de Cheyco Leidmann : “Foxy Lady”, “Silicon” et “Sex Is Blue”. 


Il s’agit ainsi de symboliser, de résumer, de mettre en formule chimique  les élément d’une explosion à trois dimensions : 1) la Femme mystérieuse, rusée et envoutante, 2) la sophistication de la Silicone qui amène les corps jusqu’à leur perfection conceptuelle 3) le Sexe enfin qui est une fuite vers une Éternité bleue. Jouissive et définitive. Qui sait ?

Voilà donc une œuvre multiple, prolifique, protéiforme et unique qui est, aussi, la profession de foi de Cheyco Leidmann. « La vérité de mon existence, dit-il, est dans les images, qui forment mon univers de survie. Pour moi, la seule façon de faire de l’art, c’est de s’engager et de se connecter au présent ». L’engagement de l’artiste est total. Son offre, par son originalité expressive et sa perfection formelle, le situe  parmi  les créateurs plus exigeants et les plus révélateurs de leur époque, qui est la nôtre. Que Cheyco Leidmann  nous aide sinon à comprendre, du moins à approcher.

JB.

(*) En référence au livre de Julien Gracq, « La littérature à l’estomac » 1950, Les éditions José Corti.

NOTE D'EXPOSITION:



Ouverte désormais, après un vernissage brillant et très couru, l'exposition des oeuvres de Cheyco Leidmann à la galerie Moretti & Moretti ( dans le quartier de la Place des Vosges ), constitue un vrai choc. Cent oeuvres, de grands tirages magnifiques, sont accrochées aux murs. Chacune est d'une vigueur inouïe. Époustouflante. Quelques unes sont très célèbres et ont fait des couvertures de grands magazines mondialement connus. Les tirages qui demeurent disponibles sont donc des raretés que les collectionneurs avertis devraient se disputer. Il faut absolument voir cette exposition qui dans les parages de Paris Photo est certainement une des plus fortes, des plus décapantes, des plus sulfureuses, des plus nécessaires.



Date de l'expo :
Vernissage le 15 novembre de 19 à 22h
Expo du 16 novembre au 1er décembre.

Note de lecture : Michel David-Weill


Pour le plaisir de la lecture… et vous inviter à entrer dans le livre, voici deux extraits de "L’esprit en fête" de Michel David-Weill ( éd. Robert Laffont, 2007 Paris ) . Je viens de découvrir ce petit livre qui est une sorte de Vademecum du gentilhomme du XXème siècle. Des mémoires aussi, mais sans pesanteur. Une promenade allègrement menée  dans la vie et le monde avec cet homme exceptionnel qui fut le grand patron de la Banque Lazard. Qui a vécu sur les deux bords de l’Atlantique, à Paris et à New York, amateur d’art, mécène, juif et catholique, épargné par la traque des années d’occupation parce qu’il était caché dans un château du Lot, à Béduer.  Cet homme, riche, épicurien décomplexé, amateur de gastronomie, (il est membre du Club des Cent)  n’a jamais fait de l’argent une affaire. Il a beaucoup voyagé à travers la palnète et même dans l’Afrique de l’avant-guerre. Il a beaucoup apprécié la vie et surtout, il a su donner un contenu et du goût au mot bonheur.
Extraits :
« Il faut se méfier de la trop grande complexité de son raisonnement, parce qu’il faut arriver à des solutions simples tout en se rappelant cette vérité d’expérience que les imbéciles ont généralement raison. Les gens qui ne sont pas très fins ne s’embarrassent pas de nuances. Ils n’ont aucun flair, ils ne voient pas bien loin, ils ont des jugements hâtifs qui laissent de côté les qualités profondes  d’une personne, mais l’impression assez superficielle qu’ils en ont se révèle être la bonne. Ce qui est énervant, parce que, tout en étant massivement simplificateurs, ils voient tout de suite qu’Untel ne fera pas l’affaire ou qu’on ne peut pas lui faire confiance. C’est triste à dire, mais c’est comme ça »  ( P. 188)

«  Les autres pensent de vous ce que vous pensez de vous-même, pour une raison très simple, c’est qu’ils n’ont aucune imagination et, par conséquent, pour se faire une idée, ils vous écoutent. Nous avons tous connu des femmes, pas tellement bien physiquement, qui proclamaient qu’elles étaient belles, et on en parlait comme de femmes belles, parce que tout le monde les avait crues. Les gens ne vont pas plus loin, et c’est déjà beaucoup. Imaginez le nombre d’individus qu’ils ont à connaître et à apprécier, le nombre de jugements qu’ils doivent exprimer simplement pour se débrouiller dans la vie. Ils ne vont pas en plus perdre du temps à se forger une opinion : ils répètent ce que vous dites vous-même. C’est pourquoi il ne faut jamais se décrier ! Parce que si vous dites n’importe quoi :« J’ai un talent inouï pour le dessin », les gens vous croient ; « Je suis un amant prodigieux », ils vous croient . Si vous dites : « Je suis nul », ils vous croient aussi . » (P.263)

Ça donne envie de lire les autres pages. Non??vid Weill

En passant par la FIAC...


La Fiac, au Grand Palais et extra-muros, est d’évidence pour le domaine de l’art l’événement du mois…  Cette année cette foire est très alléchante, comme si dans une période où l’argent est un souci majeur pour les uns et les autres et surtout pour ceux qui en ont, il fallait faire de beaux efforts pour attirer les collectionneurs d’art. Les galeristes et les marchands ont fait très fort je trouve. Et la Fiac donne une impression de bel accomplissement. Ces amateurs, un peu plus fortunés que la moyenne des citoyens, ont été réconfortés sans doute par l’annonce d’une mesure fiscale juste avant la Foire d’art contemporain. 


Cette mesure est agréable aux oreilles et au portefeuille des collectionneurs . Elle consiste à continuer d' exonérer de l’impôt sur la fortune (ISF) les oeuvres d’art. Elle n’est pas franchement socialiste. Mais, soufflée par le ministre du budget de l’époque, grand initiateur de l’impôt sur les grandes fortunes, Laurent Fabius, elle a déjà été validée par François Mitterrand en août 1981, référence sacrée,   et reprise  depuis. François Hollande ne pouvait pas y couper quelles qu’en soient les envies de certains des plus tempétueux de ses soutiens,  au gouvernement, ou dans les assemblées parlementaires, sans parler des militants…
Peste !  ont dit certains. Ouf ! ont crié les autres.

Bref, au Grand Palais, c’est la fête de l’art contemporain. Je ne citerai pas tous mes coups de cœur. Il y  a trop d’oeuvres de super grande qualité. J’en évoquerai quand même quelques uns,  comme ces Twombly de 1962 et de 1982, chez Karsten Greve,  ces petits Dali, années 30, chez Marcel Fleiss dans le stand de la Galerie 1900-2000 ; les "Tours" et les "Favellas" de Manessier qui gagnent vraiment à être vues en vrai, comme toute oeuvre d'art et non en photo...

Coups de cœur aussi pour cet artiste né en 1959, donc ni très vieux, ni très jeune, et que j’ignorais : l’Autrichjen Otto Zitko que montre Anne de Villepoix. Ses graffitis immenses couvrent comme d’un seul trait qui s’enroule sur lui même une pièce entière.  Des toiles placées sur le mur en prennent l’échantillon qui les recoupe… Dans la même galerie, deux sympathiques  toiles de Joyce Pensato.  J ‘ai bien aimé aussi le travail de cet américain très radical et très subtil, de la galerie Greene Naftali  de New York, Gedi Sibony, né en 1973.


Je citerai aussi Betty Tompkins, gonflée et classique ( galerie Rodolphe Janssen, Bruxelles), Bernard Frize, Claude Closky, Valérie Favre, Claude Lévesque, Stéphane Pen’créach, Daniel Richter ( Galerie  Thaddaeus Ropac, Paris-Salzbourg… Voir l'image ci-dessus Courtesy de la Galerie ),  Lee Ufan... Ah oui, et bien sûr cette oeuvre d'Anish Kapoor, presque imperceptible sur le mur blanc  de la galerie Kammel Mennour, que j'avais oublié de signaler ici et que je rajoute après avoir lu le blog de Judith Benhamou ( http://blogs.lesechos.fr/judith-benhamou-huet/la-fiac-suite-et-denouement-l-oeuvre-invisible-a11888.html )


En marge de la FIAC,  la foire  "Art Élysées" ( de Joel Garcia, présidée par Baudoin Lebon) présente un bon choix de galeries,  françaises pour l’essentiel. J’ai particuli§rement remarqué la Galerie Minimasterpieces, ( rue des Saints-Pères, n°16) dirigée par Esther de Beaucé. Elle montre et commercialise de superbes  bijoux d’artistes de haut prestige comme Bernar Venet, François Morellet, Sophia Vari, Villeglé, Frank Stella, Jean-Pierre Raynaud…

Passant par la foire d’art contemporain "Cutlog", installée dans l’étonnante Bourse du Commerce  ( près de Saint-Eustache ), j’ai trouvé très intéressant le travail de Clémence de La Tour du Pin, présenté par l’Atelier ( Kunst Spiel ) de Berlin, dirigé par Stefania Angelini.


JB