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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

jeudi 21 octobre 2010

Les 700 Nounours de Bérénice






C'est une des ventes aux enchères les plus originales de l'année. 700 ours et "Teddy-Bears" de collection seront dispersés le 28 novembre à 13 heures à l'Hôtel Ambassador ( 16 boulevard Haussmann à Paris ) par la maison de ventes Lombrail-Teucquam, assistée par l'expert ès-jouets et ès-ours en peluche, François Theimer. La collection avait été rassemblée par une mère de famille, Bérengère Colomes-Nau ( qui se faisait appeler Bérénice parce que… Bear & Nice), et qui est partie rejoindre pour toujours quelque Manège enchanté.



La passion des ours en peluche est fortement ancrée aux États-Unis où, de longue date, les maisons de vente en présentent au public. En France, c'est en 1983 qu'un ours en peluche a été présenté pour la première fois dans une vente aux enchères...


Dans le magazine « Polichinelle », de 1982 à 1986, Laure Faidherbe, une spécialiste, a raconté la saga du « Teddy Bear ». Voilà le récit initial: « Un jour de novembre 1902, le Président des Etats-Unis, Théodore Roosevelt, surnommé dans son entourage « Teddy », part à la chasse aux ours, raconte Laure Faidherbe. Un seule… victime se présente au bout de son fusil, un petit ours sans défense. Aussitôt le Président décide de l'épargner»... ( La vérité plus prosaïque est que, ne rencontrant aucun ours valide, les organisateurs de la chasse ne rabattirent qu'un vieil ours décati que le Président refusa de tuer ). Journalistes, caricaturistes, publicitaires, chansonniers s'emparent de l'événement.

À la même époque, outre-Atlantique, c'est-à-dire en Europe, plus précisément à Giengen en Allemagne, une jeune femme atteinte de poliomyélite, Margarethe Steiff, confectionne depuis 1890 des éléphants en feutre pour les commercialiser. Son neveu, Richard Steiff, qui adore les ours et est allé en voir au zoo de Stuttgart, l'incite à imaginer un petit ours en peluche, le premier du genre. L'ours "PB 55" est montré à la foire de printemps de Leipzig en 1903. Sans succès. Sauf que le dernier jour de la foire, un Américain séduit par la peluche en commande 3000 aux Steiff. La suite coule de source: un décorateur de New York, Hermann Berg, voit les ours en peluches et en achète tout un lot pour décorer la table de mariage de la fille du Président Roosevelt. Un invité s'enflamme et déclare : « Voilà le nouveau Teddy ». Le succès est assuré et immédiat. Steiff exporte aux Etats-Unis des milliers et des milliers de « Teddy Bear ». Un petit bouton est agrafé à son oreille gauche portant la marque Steiff , une marque apparaissant en relief sur ce bouton à compter de 1907, année au cours de laquelle la production d'ours en peluche dépasse le million d'exemplaires.

En Amérique, Morris Mitchom et sa femme Rose inventent et produisent dès 1903 leur propre « Teddy ». Ils sont bientôt suivis par d'autres fabricants américains (Ideal Toy Company ...), allemands (Hermann, Schreyer &Co…) britanniques (ours dessinés par Sybil Kemp, pour J.K. Farnell qui les commercialise chez Harrod's, Chad Valley, Dean's, Merrythought…), français (Pintel à partir de 1921, Fadap, Alfa, Ajéna, Boulgom…). Au fil des décennies apparaitront ainsi "Winnie" ( selon les aventures racontées par A.A.Milne ), "Smokey" (1956), "Paddington" (créé par Michael Bond 1956), "Collargol", "Michka" ( en 1980, mascotte des J .O. de Moscou ), "Philbée", "le Père Noël" ( 1908 ), "Rupert" (1920 ), "Memrod"… Et aussi, plus tard, après la guerre, les célèbres ours souples de la marque parisienne « Anima » créés, à partir des années 1945, comme les panthères, les tigres, les lions, etc… par Suzette Vangelder qui révolutionna l'univers de la peluche en créant des patrons permettant de découper les tissus de peluche dans des formes ne nécessitant, une fois cousues, aucune armature intérieure et donc d'une esthétique et d'un confort inégalés.


Toute l'histoire de l'ours en peluche est mise en scène dans le premier musée dédié à ce produit de l'imagination des grands pour faire plaisir aux petits. Le "Teddy Bear Museum1" a en effet vu le jour en 1984 à Petersfield dans le comté du Hampshire en Angleterre.

Rien d'étonnant donc que les amateurs s'arrachent les peluches qui apparaissent chez les antiquaires ou dans des ventes comme celle-ci organisée par Lombrail-Teucquam. Il y en a de tous les acabits. Antiquités, comme ce "Grand Teddy Bear" d'origine allemande, 70 cm, estimé de 1000 à 1500 € ; habillés, comme «Benoite et Maieul» deux ours vétus, français, avec yeux bleus. H 47 et 30 cm. Estimation : 50 - 90 € ; « Magellan » Teddy anglais de la Ste Chad Valley avec pastille métallique dans l'oreille droite. H 43 cm. Estimation : 75 - 120 €… Mais aussi des ours réédité d'après des modèles anciens… Jusqu'à la vente, les collectionneurs avides d'achats ne vont pas dormir tranquilles. Non, je ne leur dis pas "Bonne nuit les petits !!!" JB



ILLUSTRATIONS :


1) Grand Teddy Bear d'origine allemande, petites réparations. H 70 cm. Estimation : 1 000 - 1 500 €
2) «Benoite et Maieul» deux ours habillés français avec yeux bleus. H 47 et 30 cm. Estimation : 50 - 90 €
3) « Magellan » Teddy anglais de la Ste Chad Valley avec pastille métallique dans l'oreille droite. H 43 cm. Estimation : 75 - 120 €

mardi 19 octobre 2010

Hollande et Villepin chez Guillaume Durand: Gagnant- gagnant

C’était de la télévision. Mais c’était un peu aussi le « rêve français » mis en images et en mots. Le rêve français, celui d’une France qui se retrouve, qui se parle sans s’affronter, qui s’exprime dans un calme propice aux meilleures décisions. Dominique de Villepin et François Hollande, côte à côte sur les canapés de Guillaume Durand ont réussi leur pari et celui de « Face à la France » sur France 2. Dans cette émission décrispée et de bonne tenue où toutes les questions ont pu être abordées sans haine et sans crainte, ces deux grands carnassiers de la politique ont su donner d’eux une réelle image sympathique. Ils se connaissent depuis l’ENA, élèves tous deux de la promotion Voltaire, ils se sont fréquentés, puis ils se sont combattus, ou du moins chacun a combattu les choix politiques de l’autre. Là ils ont retrouvé un air de vieille amitié. Mais ce qui m’a paru le plus important c’est que là l’un et l’autre ont pu donner le meilleur d’eux mêmes. François Hollande a montré qu’il n’était pas le « Flanby » des Guignols de l’info, mais un honnête homme politique qui peut dépasser les options partisanes quand un moment fort de la vie nationale le requiert : sur le vote pour Chirac en 2002, sur la politique d’indépendance vis à vis de Etats Unis dans l’affaire irakienne, dans le vote pour la constitution européenne quand des caciques du PS demandaient que l’on votât contre. Quoiqu’il puisse lui en coûter et il l’a payé. Dominique de Villepin a eu à se débarrasser de son image d’ amateur de cabinets noirs et de complots conte ses têtes de Turc à l’intérieur de la majorité. Quant à son anti-sarkozysme il l’a étayé et justifié à sa manière . De façon plus ou moins convaincante, mais au fond ce n’était pas le sujet. La question était de savoir ce qu’il voudrait pour la France si un jour il arrivait au pouvoir : sa réponse non sans panache et positive. Une France réconciliée, active, allante, tendue vers la réussite d’un modèle. Ce qui m’a frappé dans cette séquence paisible de deux adversaires politiques c’est la qualité de leur discours à tous les deux, leur bon bagage culturel et leur sensibilité, leur humour aussi. On ne sait pas si en 2012 - où l’on a quelque chance de les retrouver au moins sur la ligne de départ - ils sauront conserver ce calme, ce flegme, cette attitude de bon aloi, mais ce serait un joli combat particulièrement digne. Quoi qu’il en soit de l’avenir, Hollande et Villepin, dans l’émission de Guillaume Durand ( avec un excellent Frédéric Bonnaud ) ont chacun gagné plusieurs points d’estime. L’un et l’autre. Une émission de télévision sans dommages collatéraux…ce n’est pas si fréquent. Bravo. JB

vendredi 15 octobre 2010

Alan Davie, l’inclassable.







À quatre-vingt dix ans, avec derrière lui une carrière de plus de soixante-dix années, Alan Davie demeure, toujours, un peintre inclassable. C’est louche, non, un artiste dont la définition échappe aux catégories cartésiennes ? Mais dites-moi, Picasso, était-il un peintre classable ? Et Miro ? Et Dubuffet ? Passons. Mais en toute première urgence, courez rue Guénégaud, à la « Galerie Gimpel & Müller » qui présente – du 19 octobre au 18 novembre 2010 – les toutes dernières créations de cet artiste international et montre la grande toile peinte en 2009 par Alan Davie sous le regard de la caméra de Fabrice Grange. ( On peut voir la vidéo sur : (http://www.youtube.com/watch?v=WgPmkoAR76U)
.

S’il le fallait absolument, ( mais à quoi cela servirait-il de ranger les artistes en colonnes par deux?) j’irais plutôt chercher Alan Davie du côté de Séraphine, de Macréaux, de Chaissac, voire du génial facteur Cheval; d’Alechinsky ou de Basquiat et de tant d’autres pour les plus récents … Il faut regarder aussi, en chaussant des lorgnons antiques pour des artistes bien plus anciens ( et en adoptant un point de vue inhabituel ) du côté de Jérôme Bosch, de Paolo Uccelo, de Rubens même, chez lesquels la représentation figurative s’imposait comme une nécessité et la composition du tableau comme un agencement subtils de corps et de scènes, en réalité de signes… Pour remonter plus loin encore et de façon plus évidente, il faut aller du côté des peintres rupestres vingt fois millénaires de Lascaux, de Pech-Merle ou d’Altamira où les animaux, les mains, les flèches figurées supposaient un lexique ( que l’on a perdu ). Voilà pour les références plastiques, sémiologiques et esthétiques à l’art répertorié dans nos fichiers bien occidentaux. Mais on aurait tort de ne pas appeler aussi à la comparaison les artistes aborigènes d’Australie, les fresques Aztèques, les Ntchak des Kuba du Congo, les pictogrammes des Indiens d’Amérique, les Mandalas, les Tantras etc. On est là plus proche encore peut-être d’une communauté d’inspiration et de formulation. La famille est immense, en tous cas, de ces créateurs d’univers qui ont interprété et façonné le monde réel, banal et plat pour lui donner une dimension poétique et plus encore une profondeur mythique.

En affirmant ce qui précède, je mélange un peu, dans un spectre très vaste, les sensations que l’on ressent ( que je ressens ) devant les œuvres d’Alan Davie. C’est une des forces de ses toiles : elles émettent des vibrations. Elles appellent. Le nom d’Alan Davie m’a été soufflé voilà des années par un autre artiste de grande ampleur, Daniel Humair, musicien de jazz et peintre ( ou bien peintre et musicien de jazz). Il le tenait lui-même du sculpteur américain Harry Kramer (1925-1997) qui lui avait conseillé dans les années 1950 de rencontrer au plus vite cet artiste, peintre et musicien de jazz comme lui. Pour Daniel Humair, Alan Davie est depuis lors un grand parmi les grands. À bien regarder ses tableaux on comprend ce jugement.

L’appréciation est partagée par le marché de l’art. Le site « Artprice » – qui est un des baromètres les plus performants et les plus fiables du marché international de l’art - relève 602 œuvres passées ces dernières années par les plus grandes maisons de ventes aux enchères, comme Sotheby’s, Christie’s, Philips, Artcurial… dont 254 peintures, atteignant de bons niveaux de prix avec un record, un peu exceptionnel, à 287 781 €, chez Sotheby’s le 13 juillet 2007, à Londres.

La cause est entendue. Mais pourquoi donc Alan Davie est-il, dans le ciel de l’art, un de ces points lumineux qui attirent les regards, un de ces points d’ancrage d’où rayonnent les planètes disciples. À mon avis parce que son œuvre est habitée. Dans un passionnant échange de lettres avec James Hyman (entre avril et juillet 2003 ), Alan Davie donne cette explication ( c’est moi qui traduis ): « Mes images ne sont pas à prendre comme des objets d’art mais comme des canaux de communion avec le divin ». Voilà, je pense, la clef qui ouvre l’univers de l’artiste.

L’artiste est alors comme un chamane interprète d’une symphonie qui vient d’ailleurs. « Si l’art est relié à la nature, dans mon cas, l’énergie créatrice et l’impulsion de la NATURE elle-même, trouve son chemin dans moi à travers l’œuvre que je crée » écrit aussi Alan Davie à James Hyman ( je traduis ) . Et cette précision : « Les révélations magiques naissent dans la manipulation de substances matérielles de base. C’est une sorte d’alchimie qui transforme de façon magique les couleurs que l’on pose sur la toile en une vision de formes et d’espace. Une peinture multicolore devient alors un événement lumineux dans le ciel ». Y a t-il besoin d’en dire d’avantage ? La peinture d’Alan Davie, il faut d’abord la voir, entrer dans sa folie, ensuite, elle vous emporte. Loin, très loin des préoccupations quotidiennes, vers une sorte d’Eden multiculturel et dans lequel chacun trouve un peu ou beaucoup de soi-même.

Jacques Bouzerand








artprice






mercredi 13 octobre 2010

Jean Redoulès : Avec l’art pour terroir






Jean Redoulès est un artiste rare. Il est de ces sages qui mènent leur vie en dehors des circuits médiatiques et agités des capitales et qui ont ainsi, de saison en saison, la liberté d’approfondir leur travail en allant toujours plus loin dans leur recherche. Toujours plus près dans l’approche d’un bonheur de création.

Cet homme du terroir, ce Quercynois de profonde souche, a été médecin. Un excellent médecin toujours présent dans les mémoires alors qu’il frôle aujourd’hui les quatre-vingt dix ans. Médecin de campagne à Pelacoy, commune de Francoulès, dans les Causses du Lot, médecin de ville à Cahors. Dans cette France des entrailles à la fois rustique et cultivée, riche de traditions et secrète dans son expression. Autant dire que de l’humanité ( et de la réflexion sur l’humain ) Jean Redoulès connait tous les détours. C’est ce chemin patient et cette expérience dense qui ont nourri son art. Il a été aussi à bonne école : son aîné, son ami de territoire, son frère de pinceaux, de crayons, de couleurs et de formes, était lui-même un des plus grands artistes français contemporains, Roger Bissière. Voisins des mêmes terres arides, ils se voyaient souvent et se plaisaient, dans l’atelier de La Boissièrette, près de Cazals dans le Lot, à se poser mutuellement les questions que les artistes se posent sur leur métier depuis que l’homme a eu l’éclair, l’envie, l’idée, comme à deux pas de là, dans la grotte de Pech-Merle, à Cabrerets, de fixer pour l’éternité – ici sur une paroi rupestre - leur paysage mental. Puis d’autres après eux…

À cette passion, Jean Redoulès, à Cahors, à Saint-Michel de Cours, s’est exercé sous de multiples formes. Et chaque fois, sur le papier, sur la toile, dans des sculptures, des constructions… il a tenté de donner à son imagination la traduction exacte. Ces œuvres ont été montrées, ici ou là, à quelque trop peu fréquentes occasions. Ainsi, dans les beaux murs cisterciens de l’Abbaye de Beaulieu-en Rouergue, sauvée voilà des années par Pierre Brache et Geneviève Bonnefoi, on a pu voir ses « portes » sombres, rurales, mystérieuses, ouvrant sur l’inconnu. Au Musée Henri Martin de Cahors, régi avec intelligence par Laurent Guillaut, Jean Redoulès déployait, en 2001, toute sa panoplie dans une belle rétrospective intitulée « Chemins de terre ». Il y avait là de beaux pastels à l’huile inspirés par les incitations sous-jacentes de l’actualité et de la rumeur du monde; des « Incisions », pratiquées à l’Opinel n° 8, sur des feuilles de Canson blanches, colères puissantes et retenues, traces de moments, graphies intimes, jeux de lumières ( blanc sur blanc ) ; et une cinquantaine de statuettes de buis travaillé au couteau, au burin, au ciseau à bois, figurant de petits personnages, lutins, trolls… Dans la salle du Temple, à Caussade, un choix de ses œuvres rappelait sympathiquement leur diversité et leur complémentarité.

Jean Redoulès était présent, en 2007, dans le circuit « Chemin des Arts » avec neuf autres artistes vivant dans le Lot: Christiane Le Guen, Alain Prillard, Christian Destieu, Pierre Prévost, Pierre-Jérôme Atger, Dominique Garnal, Georges Guiard, Michel Dupuy, Philippe Quirin. Présent aussi au château de La Roussille, à Pradines, où Marie-Pierre et René Bonnave, avaient invité en juin 2009, Jean Redoulès ( Sculptures en Hommage à Morandi) , Jaco ( Jérôme Bosch, l'Afrique, la musique ), Rosi Larapidie ( peintures autour du cirque, des oliviers ) ainsi qu’ Alain Turpault ( photos sur le Mali ). Etc. etc.

L’exposition organisée par Commune-Art à la mairie de Francoulès du 23 octobre au 12 novembre – conjointement avec des œuvres de Jean-Pierre Rodrigo ( Voir : http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/lire-article-350977-1841742-jean_pierre_rodrigo__cactus_et_vibrato.html) montre les plus récentes peintures de Jean Redoulès. Je ne les ai pas encore vues. J’ y courrai, dès que possible, ayant hâte de découvrir les nouvelles trouvailles inventives, la vivacité jamais en défaut de cet « honnête homme », policé, cultivé, attentif, qui a fait de la médecine sa philosophie et de l’Art son domaine d’évasion et d’accomplissement.

Jacques Bouzerand

dimanche 3 octobre 2010

Tunga: de l'autre côté du miroir...




Passer de l’autre côté du miroir... Pas tellement pour voir ce qu’il y a, mais pour percevoir le chemin dans le détail et analyser l’épreuve du Passage. Pour goûter comme un vin précieux et tout en subtilités les phases de cette initiation. Voilà ce que Tunga propose dans les deux galeries de Marussa Gravagnuolo et Christine Lahoud, « Pièce Unique » et « Pièce Unique Variations », à Saint-Germain-des-Près.

Tunga ( c’est le nom qu’avant même sa naissance son frère, son aîné d’un an,
avait donné à Antonio José de Barros Carvalho e Mello Mourào ) est un des artistes contemporains brésiliens les plus célébrés internationalement. Il est né en 1952 à Palmares, dans l’état de Pernambouc, il a fait ses études d’architecte puis s’est lancé dans la sculpture-installation. Basé à Rio de Janeiro, mais en perpétuel mouvement d’un continent à l’autre, il a montré ses œuvres dans les espaces les plus prestigieux : au Musée du Louvre, à la Documenta X, à la Galerie Nationale du Jeu de Paume, à la Fondation Cartier, à la Biennale de Lyon…Chacune de ses œuvres est le moment d’un discours global et en évolution qu’il tient sur le sens de l’art et son impact philosophique. À la Documenta X de Kassel l’œuvre qu’il montrait était décrite par lui comme « une sorte d’oracle, le retour à la divination, au sacré dans l’art ».

Le sacré, le mystère, les forces cachées imprègnent la pensée de ce lecteur de littérature, de livres de sciences d’hier et d’aujourd’hui, de philosophie, de théâtre, de psychanalyse… Sa référence à l’alchimie est évidente dans les œuvres qu’il présente à la galerie Pièce Unique sous le titre « Vers la voie humide ». Ces œuvres sont de trois natures mais liées entre elles par leur signification . Dans une installation à double portique de métal, Tunga a placé dans une des ouvertures un énorme cristal de roche rosé suspendu à mi-hauteur par des filins d’acier. Ce cristal – composé lui même comme tous le cristaux de myriades de cristaux de plus en plus minuscules jusqu’à l’infini selon la chimie la plus classique - agit comme un aimant qui attire la vue et l’esprit vers sa composition intime et comme un diffracteur d’énergies : quel cristal va absorber en un cristal encore plus volumineux ce cristal suspendu ? Le mouvement peut aller dans les deux sens vers l’un ou l’autre de ces deux infinis que pressentait Pascal.

Dans la seconde ouverture du double portique Tunga a coincé au centre d’une corolle dense de magnétites à reflets argentés qui la maintiennent en vue et en équilibre une fiole en cristal, semblable aux cornues des alchimistes. La fiole est vide. C’est ce que l’on peut croire. Mais dans la réalité, elle est traversée par les flux magnétiques antagonistes des aimants autour d’elles qui l’emplissent d’une plénitude non visible mais puissante. Tout ce que l’on voit à travers le cristal de cette fiole, de l’autre côté, est filtré, nourri par cette intense magnétisation. C’est là que s’opère la transmutation.

De là on passe au deuxième type d’œuvres présentées. Il s’agit des miroirs. Il captent et renvoient les images qui se matérialisent les unes après les autres lorsqu’on fait l’effort de progresser dans la connaissance. Couches superposées du miroir, du dessin, de résines diaphanes et légèrement colorées… chacune portant son sens, son niveau dans la quête philosophale. Chaque couche conserve sa propriété mais se marie aux autres en une formulation esthétique et signifiante . « Si on met une couche, de farine, une couche de sucre, une couche de beurre… dans la vie, ça ne fait pas un gâteau. Dans l’art si… »

Le troisième type d’œuvre est celui des dessins, des « phanographies ». Sur de grands papiers pour l’aquarelle, faits à la main et bruts, sont tracés au pastel sec des scènes que l’on pourrait prendre pour des scènes érotiques où s’enchevêtrent des corps, mais qui sont plutôt des cérémonies orgiaques, c’est à dire sacrées. Elles mêmes traduisent la fluidité et le passage des êtres et la permanence – travers leur fusion. L’espèce liquide. Mais plus encore, ces dessins sont à lire en plusieurs dimensions, se jouant des échelles. Ici apparaît un visage, là où l’on ne voyait que des jambes ou des bras. Et cela dans une ronde de sensations qui se traduit en une sorte de vertige où tout finit par se relier. Du tracé de pastel constitué lui même de minusculissimes cristaux, aux miroirs et au portique tout se tient, tout se combine en une parabole, en une vision de la condition humaine. C’est très beau et cela donne du grain à moudre. Que demander de plus à l’art ?

JB




TUNGA
"Vers la Voie Humide", 2010
Quartz, aimants, acier, carafe en verre
cm 190 x 140 x 100
croix; cm 130 x 80
hauteur totale: cm 310



"Desenho Protuberante" 2, 2010
Aquarelle sur papier, acier, pierre, résine epoxy
cm 75 x 59 x 8


Desenho Erotico 1, 2010
drawing on paper Pastel Larroque Aquarelle
cm 112 x 74
framed: cm 116 x 78