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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

dimanche 25 avril 2010

Le théâtre, quel emmerdement !!!

Quel emmerdement le théâtre quand il passe par le filtre des Molière. Peuple de congratulateurs autosélectionnés, de bavards insatiables tentant de faire avaler une piètre prose dont ils sont les auteurs et les seuls à en juger la qualité excellente puisqu'on sent leur sourire béat illuminer leur discours rasoir ( Jean-Claude Dreyfus ) et surtout d'ineffables donneurs de médailles ( à eux mêmes ) et de leçons ( à tout le monde ), admonestant le gouvernement et ses "régressions politiques et sociales"; sifflant le ministre de la culture ( un des rares hommes politiques à les défendre )... voilà comme apparaissent les théâtreux dans cette messe annuelle aussi bien que rébarbative. Le théâtre pourtant est tout autre chose. C'est une fête, c'est une recherche, c'est une invention: Ce sont des créateurs: la lueur dans l'oeil de Laurent Terzieff quand il évoque Jean-Marie Serreau et Roger Blin en témoigne.

lundi 19 avril 2010

La Gazette de l'Hôtel Drouot: le plus grand musée du monde

Hommage à la Gazette de l’Hôtel Drouot


On ne perd jamais son temps à feuilleter d’abord, puis à lire avec soin, « La Gazette de l’Hôtel Drouot ». J’y trouve pour ma part toujours un plaisir fou. Des exemples ? Je pourrais en fournir mille, dix mille, au fil des années écoulées qui m’ont donné le loisir de m’y plonger de grand appétit, chaque vendredi. Pas un numéro de cette revue fière de ses 120 ans, hebdomadaire ( sauf pendant les vacances ), qui n’apporte son lot de surprises et de petits ou de grands bonheurs.

J’aime ainsi flâner paisiblement de vente en vente, de résultat en résultat et en annonce et rêver devant un retable du XIIIème siècle ou une pâte de verre d’Argy-Rousseau, un bijou de Lalique, un guéridon de Pierre Chareau ou une édition originale d’André Breton… J’aime imaginer les milliers de fidèles, de princes ou de sujets qui sont passés, en Chine, devant cette peinture Ming du XIVème siècle ou entrevoir les princesses qui se sont assises pour causer ou pour broder sur ces bergères du XVIIIème… Plongées fabuleuses dans le temps révolu.

J’adore dans cette revue la rubrique de deux pages « Décryptage » qui analyse intelligemment un objet, un tableau pour en extraire toute la moelle sensible et explicable et permet, du coup, de le considérer d’un œil neuf. J’aime beaucoup les visites d’expositions de l’historienne d’art si informée, Lydia Harambourg, les interviews, les rencontres… Il n’y a dans cette revue très bien faite, bien organisée et richement illustrée d’images parfaitement reproduites des trésors rien à retrancher. La publicité elle même y est une caverne d’Ali Baba.

Un amateur d’art, un amoureux des arts de vivre, un explorateur de beautés… chacun y trouve de quoi nourrir sa passion. Sans bouger de son fauteuil, à travers les siècles, les continents et les civilisations. Pour moi la Gazette de l’Hôtel Drouot est devenue le plus grand des musées du monde. Le plus inattendu mais aussi le plus extraordinaire.

JB

vendredi 16 avril 2010

Versailles: Aillagon doit continuer

Jean-Jacques Aillagon est à coup sûr pour Versailles le meilleur président possible dans cette période. L'ancien président du Centre Pompidou, ancien ministre de la Culture, est à Versailles le plus apte à prendre sa propre succession le 6 juin date de la fin de son premier mandat. Il y a pris à bras le corps le dossier compliqué de ce symbole prestigieux de l'Histoire de France. Il y a ouvert des chantiers nécessaires. Il y a mené à bien des expositions éblouissantes comme celle de Versailles meublé d'argent. Il a noué des partenariats fructueux. Il a su donner des impulsions formidablement innovantes, ( l'exposition Koons par exemple ), affirmant la pérennité du site y compris dans la modernité la plus internationale. On nous dit que le gentil M. Darcos, pédagogue périgourdin, sénateur de train-train, ex-ministre sans relief de l'éducation nationale ( de l'édulcoration nationale ?) , ministre du travail évincé, serait le substitut souhaité par le pouvoir: il faut le recaser. Je craindrais qu'avec Darcos Versailles ne reprenne le cours plan-plan que sous-tend mollement la bonne tradition de la cuisine sans imagination et ne s'installe dans un menu à prix unique formule du jour cassoulet confit de canard. Une formule qui a certes ses vertus roboratives, prémices de lourdes siestes post-prandiales, mais qui ne répond pas aux exigences du temps. Jean-Jacques Aillagon est d'abord un homme de culture, d'imagination, de projets. Il l'a prouvé. Que diable, trouvons pour Darcos un fauteuil confortable où il pourra ronronner!

samedi 3 avril 2010

Bernar Venet : Une Pièce Unique...


Effondrement 24 Arcs


Galerie Piece Unique


Bernar Venet est l’un des rares artistes français à mener à l’étranger une carrière éblouissante. Il a choisi de montrer une de ses œuvres à Paris dans l’une des plus exigües galeries de la capitale, mais qui est aussi une des plus influentes et des plus passionnantes, la galerie « Pièce Unique ». Conduite par Maroussa Gravagnuolo et Christine Lahoud, cette galerie fondée en 1988, s’est fait une spécialité pointue en présentant dans sa vitrine de la rue Jacques Callot, qui est d’ailleurs au sens français une pièce ( le cerveau, le bureau, est à l’étage ), une seule œuvre d’un seul artiste qui en anime tout l’espace. Le choc est toujours au rendez-vous…

Les plus célèbres artistes contemporains y ont exposé. De Cy Twombly à Yiayoi Kusama, de Louise Bourgeois à Jean-Michel Othoniel, Mario Merz, Philip Taafe, Sol Lewitt, Miguel Barcelo, Georg Baselitz, Jorg Immendorf, Mimmo Paladino, Christian Boltanski, Pierre Thoreton, Sofia Vari, Jean-Pierre Raynaud, Éva Jospin… N’en jetons plus, ça ferait « name dropping ». Mais pour de bonnes raisons. À l’étroit, rue Jacques Callot, sans laisser tomber pour autant leur concept si fructueux, Maroussa Gravagnuolo et Christine Lahoud ont ouvert aussi, depuis 2000, tout à côté, au 26 rue Mazarine, sur ce même terroir fertile des Beaux-Arts, une seconde galerie, « Pièce Unique Variations ».

Pour Bernar Venet c’est un grand écart. Il est en effet davantage un habitué du grand air et des places les plus vastes dans le monde. Il y a fait épanouir ses concepts en immenses sculptures, à Paris, Nice, Austin, Agadir, Pékin, Tokyo, Bergen, Cologne, Denver, Epinal, Lille, Vancouver, Shenzen, Genève, Sète, Norfolk, Séoul,
 La Chapelle Saint Jean, Châteaux-Arnoux, Strasbourg, Roquebrune sur Argens, Toulouse, Berlin… ( liste très incomplète et dans le désordre pour le fun ). Bientôt, il élèvera de nouvelles barres et de nouveaux arcs dans d’autres lieux prestigieux de la planète. Mais on y reviendra…


Pour l’heure et jusqu’au 29 mai, il faut courir voir son installation dans la galerie « Pièce Unique ». Celle-ci est composée de vingt-quatre arcs en acier Corten «présentés comme abandonnés, entremêlés dans un désordre chaotique, faisant suite à un événement imprévu, celui d'une désintégration, d'un «effondrement ». Fondée sur l’aléatoire, «le principe d’incertitude, le provisoire, le transitoire », elle est typique de son œuvre. Il s’agit, là aussi, de « développer un système ouvert où l'on cesse de voir les choses compartimentées, découpées, avec des frontières hermétiques». « L’objectif, m’expliquait-il voilà vingt ans, est de libérer la sculpture des contraintes de la composition, de l’ordre idéal. »


Ces arcs – issus de sa recherche sur la ligne - sont une des belles trouvailles de Bernar Venet qui en a fait une de ses multiples marques de fabrique. Elles lui permettent, comme ses grandes barres dont il décline les positions, les angles, les arrangements dans l’espace, de tracer depuis ses débuts dans la création, dans les années 1960, un parcours artistique impeccable qui l’inscrit dans la courte liste des plus grands. De ceux qui compteront dans la mémoire toujours vivace de l’Histoire de l’Art.

Retour sur un parcours. En 1961, convoqué par le service militaire, Bernar Venet, persuadé de sa vocation, réussit à convaincre le commandant du centre de sélection de Tarascon qu’il a un impératif, celui de peindre, car il est en contrat avec une galerie parisienne. Le commandant est bon enfant et l’armée, pas si vacharde, lui concède un immense grenier dans la caserne. C’est son premier véritable atelier. Il s’y donne à plein et va jusqu’au bout de ses intuitions les plus absolues. Il fait de la photographie et tire sur papier argentique des portraits totalement noirs. Il se fait prendre en photo allongé près des grandes poubelles du mess pour que soient fixés sur la pellicule des moments dont il décide qu’ils ont une nécessité et un sens artistique. Il peint et sur de grandes toiles, il étend de larges et épaisses couches du goudron le plus noir. Pourquoi le noir ? « Peut-être parce qu’il représentait un idéal pour moi, un geste extrême pour protester contre l’ordre établi. À vingt ans un jeune artiste doit avoir un tempérament rebelle, et le noir, c’est le rejet de la communication facile, un désir de montrer sa différence. » C’est aussi pour l’artiste un saut fabuleux dans l’inconnu. Pas loin de celui d’Yves Klein, autre explorateur des vertiges.

À vingt-deux ans, rentré dans sa famille à Nice, sa mère lui paie le loyer d’un atelier, rue Parolière. Poussé en avant par sa logique, il y réalise « la première sculpture de l’histoire de l’art qui n’a pas de forme spécifique » : un tas de charbon posé à même le sol. L’œuvre est assortie d’un discours théorique. Bernar Venet, par cette provocation, est ainsi le précurseur de plusieurs années des artistes américains de l’ « anti-forme ». En 1963, il recouvre de peinture glycérophtalique des reliefs composés de cartons d’emballage. « C’est dans les risques que prend l’artiste et dans ses renouvellements qu’il doit être jugé. S’arrêter en chemin, s’en tenir à une idée, s’enfermer dans un style, c’est croire qu’on détient enfin la vérité, c’est penser que l’on a touché juste, c’est en fait ne rien avoir compris, car la vérité n’est nulle part, si ce n’est, peut-être dans sa constante et inlassable recherche. Le vrai juge, c’est le temps. Les grands moments dans l’Histoire, les grandes coupures, ces remises en question : le premier tableau abstrait de Kandinsky, le porte-bouteilles de Duchamp semblaient être des voies sans issue. Ils l’étaient, oui, mais pour les myopes seulement, pour ces conservateurs qui ne croient qu’en ce qu’ils ont appris par cœur, pour ceux que les idées nouvelles effraient ».

De 1963 à 1966, Bernar Venet, à Nice, continue d’avancer en « Terra incognita ». Dès qu’il a trouvé un point d’eau, un semblant de repos, il change de pied et change de cap. Il refuse le jeu de la mode et le choix d’un maître. Le pop-art et le nouveau réalisme sont dans l’air du temps. Il file vers le bord opposé : le concept, l’idée épurée. Ce qui ne l’empêche pas de fréquenter les artistes qui sont ailleurs dans la galaxie comme César, Ben, Arman… Ce dernier – établi à New York où la gloire l’entoure - cherche un beau jour un assistant à Nice, Bernar Venet, un petit boulot. De quoi se payer le voyage dont il rêve aux États Unis. Cela tombe à pic. En remerciement Arman offre à Venet un petit tableau et un mode d’emploi : « Tu n’auras qu’à le vendre ! ». Et en filigrane : « Si tu veux partir pour New York ». Chose dite, chose faite, les 3000 francs de la transaction feront l’affaire.

Le 1er avril 1966, Bernar Venet débarque à New York ( il y est toujours, au moins pour une partie de son temps). Arman lui offre l’hospitalité d’un divan dans son atelier qui fut celui de Tinguely et de Kienholz. Le New York de l’époque est une fête. Une collectionneuse enthousiaste Babette Newburger lui organise une party où Leo Castelli, le grand marchand, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Robert Indiana… Le rêve éveillé quoi…

Participant dès ses débuts au mouvement conceptuel, Bernar Venet s’engage dans les recherches. En 1966, il expose à Céret, en France, un tableau d’un genre spécial ; c’est le plan industriel avec les cotes, les couleurs, la matière précisément indiquées d’un simple tube. « Dans la logique de mon raisonnement, la présentation de ce plan valait l’objet lui même, l’information remplaçait l’objet ». Il montrera aussi des diagrammes de mathématique, des équations, des logarithmes, des formules d’astrophysique, de physique nucléaire et même des cartes et des relevés de météorologie. Il développe ses arguments devant des parterres universitaires dans des facultés qui le sollicitent et, en 1967, va même voir le Pape. C’est à dire Marcel Duchamp. « C’était un mythe et un des grands créateurs du siècle. Un modèle d’héroïsme pour nous tous et qui disait pourtant de sa vie et de son œuvre : « Cela coule de source ». Je n’oublierai jamais cette rencontre ». Il y gagne une formule en forme de bulle papale. Devant les photos que lui montre Bernar Venet de ses œuvres, Marcel Duchamp lui dit : ‘‘ Mais alors, vous vendez du vent ?’’. Sur le moment, dit-il, je n’ai pas pris ça pour un compliment. Mais Duchamp sourit, prend un crayon, et écrit sur son journal : ‘‘ La vente du vent est l’event ( évènement en anglais ) de Venet ’’.

À 30 ans, Bernar Venet a acquis à New York, une reconnaissance. Le New York cultural center lui consacre une rétrospective où 80 œuvres sont exposées. C’est l’année où l’artiste décide de faire une pause dans sa production. Mais pas dans sa réflexion qu’au contraire il va enrichir, nourrir au fil des conférences qu’il prononce alors de Columbia University de New York à la Sorbonne, de l’Art Institute de Chicago à l’American cultural center de Tokyo… Une maturation de cinq années qui débouche en 1976 sur une nouvelle aventure, celle de la ligne.

Bernar Venet, tout en travaillant intensément et toujours à des projets nouveaux, trouve dans cette expression de la ligne un havre provisoire. De l’arc de 115,5°, de 201,5°, de 27,5°…, aux arcs majeurs de 258,5°, aux angles de 27,5°, aux lignes à vif, aux lignes indéterminées et à leur combinaisons aléatoires, Bernar Venet bifurque souvent par d’autres travaux sur le son, l’image, le texte édité, sur-édité en surimpressions époustouflantes, le scanner, l’IRM, le corps dans ses abysses… Rien n’échappe à son attention, à son concours.

Mais la géométrie demeure au cœur de son travail d’artiste. Elle est née dès les balbutiements de l’homo sapiens comme description d’abord puis comme arme de défense et de conquête. Elle a été perfectionnée par tous les avancements des technologies, pour assurer à l’humanité la maîtrise de la planète et le faire rêver à la conquête des autres univers. Elle est ici, chez Bernar Venet, revenu aux fondements de cette science appliquée, mise en cohérence avec la présentation d’un « étant là ». Mais, volens nolens, Bernar Venet la promeut au service de l’art. C'est à dire aussi au service non pas de "la recherche de l'absolu", mais dans le sens de la recherche absolue.

Jacques Bouzerand

jeudi 1 avril 2010

Enquête sur les secrets du Marché de l'Art

"Grands et petits secrets du monde de l’art"
De Danièle Granet et Catherine Lamour
( Fayard, 2010 )


Il n’ y a rien de mieux que l’œil de Candide pour percer à jour les plus denses énigmes… Surtout quand sous le Candide apparent se cachent deux enquêtrices, et des plus perspicaces, comme Danièle Granet ( l’Express, Le Figaro, Le Nouvel économiste, Novapress ) et Catherine Lamour ( Le Monde, Canal + ). Deux journalistes qui ne s’en laissent pas conter et aiment aller jusqu’au bout de leur sujet. Et elles y vont ici aussi.

En abordant le continent obscur du marché de l’art international, les deux Sherlock Holmes en jupons, sont arrivées avec des idées simples. Du port franc de Genève aux espaces de Moganshan à Shanghai, de Soho à Chelsea, de Bâle à Miami…, elles se sont posé les questions que chacun se pose mais auxquelles par manque d’information personne ou presque ne répond jamais. Et voilà ces questions : « Comment fonctionne la machine à fabriquer de l’art ? Comment devient-on un artiste tendance ? Qui sont les maîtres du jeu ? » Et aussi, quelle assurance sur l’avenir pour les valeurs d’aujourd’hui ? Pourquoi les hyper-milliardaires sont-ils de la partie ? Et la crise dans tout ça ?... Dans leur exploration de deux années Danièle Granet et Catherine Lamour ont rencontré tous ceux qui comptent : les quelques figures majeures qui depuis les coulisses tirent les ficelles. Et elle ont beaucoup appris de leurs récits.

Dans leur exploration de deux années elles ont ainsi rencontré, navigant à l’estime de l’un à l’autre, les Princes du marché de l’art, les cartes maîtresses de ce Tarot. Elles décrivent les parcours saisissants de quelques uns qui ont débuté, il n’y a pas si longtemps, en simples amateurs inexpérimentés. Comme le Number one américain, c’est-à-dire mondial, Larry Gagosian, qui a débuté dans l’immobilier puis revendait des estampes en gagnant chaque fois quelques dollars. Ou bien Philippe Ségalot, un tout jeune et brillant HEC, déjà familier des galeries parisiennes avant d’entrer chez l’Oréal puis de travailler chez Christie’s et qui est devenu un des plus importants courtiers internationaux à New York…

Au fil de leur périple Danièle Granet et Catherine Lamour ont fait parler les acteurs principaux. Et on entend d’eux des formules capitales. Pierre Nahon qui fut l’un des pionniers à Paris avec son épouse Marianne, explique sa stratégie : « C’est facile, on achète les tableaux d’un artiste au début de sa carrière ou au début de la collaboration avec lui. On les montre, on en vend quelques uns, on en garde davantage. Les années passent, et si le marché a suivi nos choix, les œuvres accumulées prennent une valeur hors de proportion avec les sommes investies ». Pierre Huber révèle sobrement : « La vente d’art, c’est comme la banque, un métier de discrétion ». Quant à Lorenzo Rudolf, directeur « stratégie » d’ArtParis+Guets, il donne à voir l’avenir du marché : « Il existe une élite qui essaie par tous les moyens de rester « entre soi ». On peut l’assimiler aux clients de la haute couture. L’art contemporain est devenu un objet de lifestyle (…) Dans dix ans, le marché se sera considérablement élargi. Il proposera toute une gamme d’œuvres de qualité accessibles à une clientèle moins fortunée, qui veut, elle aussi, adopter le style de vie de l’élite d’aujourd’hui ».

Si l’on ne cite que ces quelques extraits, il ne faut pas croire qu’ été oubliés ces autres incontournables que sont le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, les critiques Nicolas Bourriaud, Harry Bellet ( Le Monde ), Élisabeth Couturier ( Paris-Match), les galeristes Yvon Lambert, Anne de Villepoix, Bernard Zürcher, Virgil de Voldère, Jérôme et Emmanuelle de Noirmont… , les grands collectionneurs Saatchi, Pinault, Arnault…, des artistes aussi : Hyber, Lévêque, Desgrandchamp, Pencréac’h…, bref, cent autres personnalités qui composent un extraordinaire roman d’expériences vécues et significatives.

Dans leur analyse fouillée, enrichie d’anecdotes, d’exemples et de cotes, d’euros et de dollars, Danièle Granet et Catherine Lamour montrent très intelligemment comment – répondant aux lois de l’économie, aux subtilités du goût et au flair des marchands et des collectionneurs- ce marché se constitue et se développe à travers les réseaux, le marketing, la communication, la critique, la mode, le luxe, le goût de la création, l’appât de la spéculation, le secteur privé des maisons de vente, des galeries et le secteur public des institutions… C’est une galaxie toute d’interactivité qui, malgré ses travers, jette ses feux sur l’avenir. Car sa substance n’est rien moins que l’Art.

JB